En juin dernier, je suis allée voir Notre Dame de Paris à l’Opéra Bastille.
En prenant les places, j’étais intriguée par ce ballet que je ne connaissais pas : chorégraphie de Roland Petit, création en 1965, costumes d’Yves Saint Laurent. Un mélange détonant au résultat…imprévisible.
Et bien je n’ai pas regretté un seul instant d’y être allée ! Ce ballet était une pure beauté, comme je n’en avais pas vu depuis longtemps.
Il faut dire que j’y étais le soir de la dernière et qui plus est, le soir de la dernière de la troupe avant les vacances d’été. Ils auraient pu être fatigués et relâchés mais ils ont tout donné ! Je vais assez régulièrement voir des ballets à l’Opéra et je sais que parfois, durant l’hiver, les danseurs semblent s’économiser un peu, pour rester debout alors que tous leurs camarades ploient sous les blessures diverses et assurer la valse des remplacements au pied levé. Ce soir là, en tout cas, il émanait de la scène un engagement total et une réelle émotion, en plus d’une technique parfaite.
Mes coups de cœur du soir
La chute en beauté de Ludmila Pagliero
Au début du ballet, pendant son premier solo, elle se lance dans des grands battements sur pointe, à la première, en portant son poids vers l’avant jusqu’au ….déséquilibre et en l’occurrence, la chute, puisqu’elle a glissée somptueusement sur son séant avant de se relever comme si de rien n’était.
Ce que j’ai aimé, hormis l’art de la chute, c’est qu’elle n’a pas été inhibée pour la suite du ballet. Je me rappelle d’une sombre représentation de la Bayadère où les catastrophes s’enchainaient suite à la chute du rôle titre. Tout le monde en coulisse devait être stressé et par effet boule de neige chacun y allait de sa bourde.
Donc bravo Mlle Pagliero ! Je saurai m’en souvenir pour mes propres représentations s’il devait m’arriver de tomber…
Les jambes ciseaux de Josua Hoffalt
Clairement les plus beaux manèges de grands jetés que j’ai pu voir à ce jour. Moulé, en Frollo, dans son caleçon noir, il était incisif à souhait !
La musique de Maurice Jarre
Et oui, le papa de Jean Michel … Elle m’a saisie dès le début, après une vaste nappe sonore aux accents wagnériens, une suite de percussions s’abat sur le corps de ballet et le malmène pendant au moins 10 minutes. La partition du ballet est très belles et invoque autant l’âme classique que les tourments musicaux des années 30. C’est un écrin sonore qui tient d’un bout toute la cohérence du ballet et nous laisse, longtemps après, quelques très beaux thèmes dans l’oreille.
L’exploit physique du corps de ballet
Si chaque œuvre a son lot de difficultés (exemple : la grande descente en arabesques des ombres dans la Bayadère), il faut reconnaître ici le défi cardio vasculaire relevé par le corps de ballet. On ne peut pas dire qu’il fasse office de charmants décors…Du début à la fin les danseurs bondissent à l’unisson en tout sens et agitent leurs bras au rythme des cloches déchainée de Notre Dame. Le public ne s’en sent que mieux, bien calé au fond de son fauteuil.
Mention spéciale aux couleurs moyen ageo – seventies des costumes du corps de ballet !
La beaugossitude de Fabien Révillon en Phoebus
Il débarque comme une fleur au beau milieu d’une scène, dans un habit bleu roi un peu incongru, façon grand prince, et disons qu’il sait retenir l’attention du public.
Le Quasimodo de Karl Paquette
Que serait Notre Dame de Paris sans lui ? J’ai beaucoup été touchée par l’interprétation de Karl Paquette, toute en douceur et humanité. Et quel exploit que de faire ces sauts et ces pirouettes en déséquilibre forcé !
En effet, pour représenter la bosse, le danseur relève son épaule droite et danse de travers. Quand on sait combien le placement et l’alignement sont importants à l’équilibre et à la virtuosité… Mais j’imagine aussi que pour un danseur élevé à l’opéra, ce doit être jouissif que de, pour une fois, « faire moche » en toute bonne conscience.
Quelques croquis des costumes signés Saint Laurent
J’ai voulu que les costumes soient colorés comme les vitraux d’une cathédrale et j’ai emprunté à Mondrian le costume de Phoebus. J’ai essayé d’accompagner la jeunesse intemporelle de la chorégraphie. Celle des variations d’Esmeralda, des pas de deux et des pas de trois. Les juges du tribunal, les mouvements louches de la cour des Miracles, le trouble de Frollo et la tendresse si émouvante de Quasimodo m’ont inspiré, comme une fresque du Moyen Age.
- De nombreuses images viennent de ce site : Ballet et cie.
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