Mardi soir, je suis allée voir Roméo et Juliette à l’Opéra Bastille. Cela faisait longtemps que je n’avais pas été transportée à ce point par un ballet. J’avais pourtant vu « La Bayadère » cet hiver, avec la très belle Héloïse Bourdon, ainsi que « Le Sacre du printemps » de Pina Bausch. Deux belles expériences, mais moins marquantes que cette dernière.
Je suis convaincu que la Vérone de la Renaissance et le Londres élisabéthain avaient en commun le sexe et la violence. Ce qui les rapproche singulièrement de notre époque.
L’histoire, vous la connaissez sûrement, est de William Shakespeare, la musique de Serguei Prokoviev et la chorégraphie de Rudolf Noureev (1984). Ajoutez à cela la présence magique de Myriam Ould-Braham en Juliette, de somptueux décors Renaissance et de beaux garçons en collant et vous y êtes !
Ce que j’ai aimé du haut du second balcon :
Le drame grandeur nature
Ce soir là, c’était Myriam Ould Braham qui dansait, ou devrais-je plutôt dire « jouait » Juliette. Avec ses beaux cheveux blonds et sa silhouette menue, elle avait tout pour incarner à la perfection la jeune héroïne.
J’ai été séduite par sa danse si gracile et son incroyable jeu d’actrice. Grâce à mes jumelles de spectacle, j’ai pu me rapprocher au plus près de son visage et de ses expressions : quel bonheur ! J’avais parfois l’impression de voir les scènes d’un film se dérouler sous mes yeux, surtout au cours du 3ème acte où elle s’est particulièrement révélée. A vrai dire, je me suis mise à pleurer à ce moment là. Heureusement, j’étais enrhumée ce soir là et j’ai pu sortir mes mouchoirs avec un grand naturel, sans que mes voisines ne puisse deviner la cause de mes reniflements.
Je n’ai pas encore eu beaucoup l’occasion de voir cette danseuse étoile sur scène, mais elle me touche beaucoup. Et son visage très particulier, un peu elfique, la distingue des autres danseuses de l’Opéra de Paris. J’ai hâte de la découvrir dans d’autres rôles !
L’inquiétante musique de Prokoviev
Si parfois les musiques de ballet sont un peu anecdotiques, ce n’est pas le cas ici. La musique de Serguei Prokoviev dispute le premier rôle aux danseurs. Elle déploie ses thèmes comme autant de toiles d’araignée et distille une noirceur toxique tout le long du ballet. Elle crée un climat si tragique que je n’aime pas l’écouter chez moi, je la trouve trop glaçante !
Un aperçu ici :
Les beaux garçons
J’ai une fois de plus gardé le meilleur pour la fin. Que serait un ballet à l’Opéra sans les beaux danseurs en collants moulants ? Les plus esthètes d’entre vous devraient apprécier la charmante opposition chromatique entre les collants verts des Montaigu et ceux bordeaux des Capulet :
- Si j’aime le vert tendre, je dois reconnaître que le lie de vin était plus flatteur sur les jambes de ces messieurs. Surtout porté par Stéphane Bullion en Tybalt ! Il avait un jeu de jambe fascinant et dégageait toute la rage et la violence que l’on attend de ce rôle.
Cliquez sur les images pour mieux voir le beau gosse :
C’est jour de fête, j’ai trouvé une vidéo de sa prise de rôle en 2011 :
- Roméo, en vert, était dansé par Josua Hoffalt, mignon et rêveur. J’ai trouvé qu’il avait tout du petit minet, mais n’y voyez rien de péjoratif, au contraire.
Le voici en Roméo lors d’un gala donné au Kremlin :
- Tojours dans le gang des verts, Emmanuel Thibaut était extraordinaire en Mercutio. Voila encore un danseur qui a « une gueule » et qui sait en jouer.
On le voit bien faire le pitre à ses risques et périls dans cette vidéo (attention spoiler, à la fin, il meurt) :
- Enfin, Benvolio était dansé par Fabien Révillion. Il m’a presque paru en retrait alors que je l’avais adoré dans Notre Dame de Paris. Sans doute était-ce à cause du caractère de son personnage moins haut en couleur et moins bagarreur que celui de ses petits camarades.
Mentions spéciales :
- À Dame Capulet dansée par Sabrina Mallem et à son port de tête altier. Elle incarnait avec aplomb une femme mature et néanmoins séduisante (mon obsession du moment). J’ai envie de dire qu’elle « pétait l’écran » mais il faut que je cesse de considérer ce ballet comme un film.
- Aux sublimes décors Renaissance. Le ballet se déroule dans peu de lieux, ce qui lui confère un air de huis clos intéressant. L’ambiance dans la crypte des Capulet au 3ème acte est très réussie !
- Au public pour ses délicieuses réflexions post-représentation du type :
« Mais c’est qui le mec couché à la fin dans un coin de la crypte ? » (réponse : le promis officiel de Juliette que Roméo vient d’assassiner)
« Mais Juliette, elle était pas morte avec son poison ? Pourquoi elle se lève après ? » (réponse : c’était un somnifère, lisez la pièce ou regardez le film Roméo + Juliette)
Je vous quitte avec cette vidéo probablement prise depuis les coulisses par un petit rat le soir où j’y étais :
Voilà qu’écrire cet article m’a donné envie de retourner voir le ballet. Si le lire vous a fait le même effet, sachez qu’il se « joue » jusqu’au 16 avril. Pour trouver des places, tentez votre chance sur la bourse aux billets officielle et n’hésitez pas à me donner vos impressions si vous allez le voir !
Lou
Une superbe review de ce très beau ballet, spécialement quand Myriam et Josua le dansent ! Merci d’avoir partagé cette expérience.
Sucre d'Orge
Merci Lou !
Un ami est allé le voir avec Léonore Baulac et il m’en a dit le plus grand bien.
L’avez-vous aussi vu ?