-Attention billet fleuve, billet geek, billet burlesque !-
Comme beaucoup d’autres artistes burlesques, j’ai récemment eu des démêlés avec Facebook qui refusait que mon profil personnel soit à mon nom de scène. Comme beaucoup d’autres, j’ai frôlé la crise de nerf face à la « machine » Facebook.
J’ai eu envie de relater ici mon expérience, en espérant qu’elle puisse vous être utile en cas de bataille avec Marc Z. Bien sûr, si vous avez des conseils ou des aventures à partager, n’hésitez pas à laisser un commentaire pour enrichir l’état de l’art !
1- Prouver son identité
Un matin, lorsque j’ai voulu me connecter à mon profil Sucre d’Orge, une page s’est affichée avec un message de ce type :
« Il semblerait que vous n’utilisiez pas votre véritable nom, or être sur facebook avec un faux nom est contraire à nos standards, merci de fournir votre véritable identité ci-dessous ainsi que 2 ou 3 documents officiels prouvant que c’est bien votre identité. »
Impossible de me connecter sans passer par cette étape. Que faire ?
- Option 1 : céder
…Et donner sa véritable identité. Pourquoi céder ? Pour se débarrasser au plus vite du problème et retrouver votre profil de façon durable. Tout sera comme avant, vos amis, votre historique, vos photos, SAUF votre nom, évidemment.
Tout le monde connaîtra votre identité légale, n’importe qui pourra vous retrouver sur le réseau (sauf à garder ce profil privé) et quand vous serez tagué sur des photos c’est ce nom la qui apparaitra. Vous pourrez aussi rajouter votre nom de scène entre parenthèse, comme surnom, mais il n’empêche, vous aurez effacé la ligne entre votre vie artistique et civile. A vous de voir si cela vous gêne ou non.
- Option 2 : tricher
… Et faire des fausses pièces d’identité où figurerait votre délicieux nom d’artiste.
Si votre nom de scène est crédible, la manœuvre peut marcher et vous retrouverez votre profil avec votre nom d’artiste. Si, au contraire, vous vous appelez « Chaton des Alpes », il y a peu de chance que vous passiez le filtre de vérification. Le risque : que Facebook, énervé par votre vilaine conduite, ferme définitivement votre profil et que vous perdiez à jamais tout votre précieux historique.
Question : qui est derrière la vérification ? Un robot ? Un être humain ? Je ne le sais pas. Mais de cette réponse dépend largement la marge de manœuvre du faussaire.
Si vous décidez de vous lancer dans cette voie, préférez photoshoper des documents non gouvernementaux tels que votre passe navigo, carte étudiant, carte vitale, etc. Faire un faux passeport, carte d’identité ou permis de conduire est bien plus répréhensible.
- Option 3 : dialoguer
… Et expliquer que votre nom de scène est légitime. C’est ce que j’ai voulu faire dans un premier temps. J’ai rassemblé dans un document .pdf des captures écran d’interviews données sous le nom de Sucre d’Orge, des programmations de spectacles où mon nom figurait, des coupures presse, ainsi que les liens vers les pages web citées. J’ai assorti ce dossier d’un mail de défense, expliquant la méprise et priant -gentiment- Marc de me redonner accès à mon profil en l’état et au plus vite.
2- Résister à la fusion profil/page
Deux jours après cette première action, j’ai reçu cette réponse :
« Bonjour,
Il semblerait que vous utilisiez votre profil personnel pour représenter une entreprise ou une organisation. Les profils ont pour but de représenter une personne. Pour toute autre fin, nous devons convertir votre profil en Page.
Les Pages vous offrent des outils uniques pour vous mettre en relation avec votre audience.
Pour que nous puissions convertir votre profil en Page, vous devez :
– confirmer la légitimité de votre organisation ou de votre entreprise ;
– prouver qu’elle vous appartient en envoyant une numérisation ou une photo de votre pièce d’identité officielle.
(…)Lorsque nous aurons validé votre compte, nous pourrons convertir votre profil en Page.
Cordialement,
Jeanne
Community Operations
Facebook »
Maintenant, on ne me reprochait plus d’exister sous une fausse identité, mais d’utiliser mon profil à des fins professionnelles. Question : un chirurgien, passionné par son métier qui ne partage que des articles médicaux et ne parle que de ses opérations, sera-t-il accusé de la même façon ?
Il est bien clair que Facebook cherche à augmenter ses revenus publicitaires en supprimant les profils privés des artistes. Tout le monde sait que les posts des fans pages sont beaucoup moins vus que ceux des profils personnels, à moins de payer Facebook et d’acheter leurs annonces sponsorisées. CQFD.
Suite à ce mail, s’en est suivi une longue et stérile correspondance :
« Bonjour Jeanne,
Merci pour votre rapide retour.
En fait, j’ai déjà une page, qui m’est fort utile pour mes publications purement professionnelles. Elle dépend de mon profil Sucre d’Orge, actuellement bloqué, et je n’y ai plus accès en ce moment, ce qui me gêne beaucoup.
Mon profil personnel est utilisé à des fins personnelles, afin de garder le contact avec mes amis. Je ne souhaite pas le voir disparaître ou fusionner avec ma page.
Mes amis me connaissent sous le nom de Sucre d’Orge. Je suis une personne, non une boutique ou une marque.
Est-ce que Johnny Hallyday se fait appeler Jean-Philippe Smet par ses proches ? J’en doute.
J’ai amené de nombreuses preuves montrant que je suis reconnue sous le nom de Sucre d’Orge. Je tiens à garder mon profil privé sous ce nom. C’est très important pour moi.
Merci pour votre aide,
Bien à vous »
Leur réponse :
« Bonjour,
Il semblerait que votre journal ne vous représente pas en tant que personne physique individuelle. De ce fait, nous avons établi que votre profil doit être converti en une Page Facebook.
Ne vous inquiétez pas, nous vous aiderons à convertir votre journal en Page dès votre prochaine connexion. Au cours de ce processus, votre photo de profil, vos amis et vos photos publiques seront transférés vers votre nouvelle Page. Votre compte sera converti en compte professionnel pour vous permettre de gérer votre Page et vos campagnes publicitaires.
Cordialement,
Facebook »
Voila, ne nous inquiétons pas, tout va pour le mieux, Facebook nous aidera à dépenser notre argent en campagnes publicitaires.
Pourquoi ne pas accepter la fusion ?
- Pour partager des posts auprès de vos seuls amis et non pas publiquement comme sur une fan page.
- Pour être tagué sur les photos : il est impossible de taguer une fan page.
- Parce que certains de vos contacts ne souhaiteront pas être transformés en fan et quitteront votre cercle.
L’art sournois d’inciter à la délation
Suite à deux autres messages de détresse, criant à l’injustice, Facebook me répondit :
« Bonjour,
Nous vous remercions de nous avoir contactés. Nous comprenons que ceci n’est pas le problème que vous avez initialement signalé. Cependant, nous appliquons nos règlements lorsque nous constatons des infractions. Les autres comptes similaires pouvant être présents actuellement sur Facebook le sont uniquement parce qu’ils n’ont pas été repérés ni signalés.
Si vous voyez un autre journal dont le nom enfreint nos règlements, vous pouvez le signaler à l’aide du lien Signaler/bloquer cette personne qui apparaît sur ce même journal.
Cordialement,
Jeanne
Community Operations
Facebook »
Outre le fait que la réponse était hors sujet (puisqu’il ne s’agissait plus de débattre de la légitimité de mon nom mais de son usage), j’ai beaucoup aimé prendre Facebook en pleine incitation à la délation. C’est d’autant plus pervers qu’avec un tel message on réalise que l’on a soi-même probablement été dénoncé et qu’il serait d’autant plus tentant, dans un élan de vengeance aveugle, de dénoncer à son tour d’autres comptes. Qui serait gagnant ? Facebook, bien sûr.
3- fin des négociations et riposte
Quand j’ai compris que je n’avais plus rien à attendre de cet échange, je suis passée à l’option 2 (cf. début de l’article) et je me suis choisi un nouveau nom civil faisant honneur à mes ascendances russes. Les documents fournis ont été acceptés et j’ai retrouvé mon profil, avec ce nouveau nom, ainsi que ma fan page.
- Finalement, je n’ai pas été contrainte à fusionner profil et fan page. Je pensais pourtant que cela serait la deuxième étape. Ces dossiers ne doivent pas être si soigneusement suivis et il est possible de passer entre les mailles du filet.
- Par contre, je n’ai pas pu garder mon seul nom de scène sur mon profil personnel. Il est désormais entre parenthèse, à la suite de mon nouveau nom civil.
Si c’était à refaire, je ne perdrais plus mon temps à négocier et je choisirais directement la deuxième option, avec mon nom de scène si je le juge plausible ou un nouveau nom (pour préserver le véritable) le cas échéant.
Dans leur course à la monétisation, il semblerait que Facebook s’attaque en priorité aux profils ayant une fan page sous le même nom. Si c’est votre cas, préparez votre contre attaque ou modifiez légèrement le nom de votre profil personnel. Si vous n’avez pas de fan page, ne soyez pas pressé d’en ouvrir une !
Un dernier conseil, si vous avez une fan page, ouvrez un second compte privé et nommez le administrateur. En cas de fermeture de votre compte principal, vous aurez toujours un accès à votre page.
épilogue
Au cours de ces tractations, j’ai été coupée de Facebook. Je sais que c’est dans l’air du temps, mais je le confirme : ça fait du bien ! Si je n’en avais pas un usage professionnel, je pense que j’aimerais m’en détacher au maximum.
Le problème c’est qu’il n’existe encore aucun autre support proposant les mêmes services et que pour partager un contenu ou faire gratuitement la promotion d’un spectacle, Facebook reste incontournable. C’est bien dommage, surtout vu le tour que prend la politique de censure du réseau.
A défaut de pouvoir m’en passer, cette expérience m’a confortée dans l’envie d’être au maximum indépendante de Facebook, pour ne plus subir ses sautes d’humeur et risquer de tout perdre en cas de conflit. D’où l’intérêt :
- de posséder les adresses mails de vos contacts,
- de stocker vos photos préférées sur votre disque dur (je crois qu’il est possible de faire directement une sauvegarde de vos données),
- d’exister en dehors, que ce soit sur d’autres réseaux ou via un site personnel.
Si vous m’avez lue jusqu’ici, j’espère que vous n’êtes pas complétement assommé. Promis, le prochain article sera plus réjouissant, mais il faut bien aussi savoir partager les histoires moins drôles si cela peut nous aider à sortir vainqueur de certaines situations, n’est-ce pas ?
****
Crédit des illustrations par ordre d’apparition : 6B Studio et Moma (Sao Paulo), Ma + Chr, Fred One Litch, Merve Özaslan.
Fanny
C’est complètement idiot de la part de facebook d’obliger les gens à s’inscrire sous leur vrai nom… Ce n’est pas non plus un service d’Etat (quoique vu la politique des GAFA de s’affranchir de l’emprise des Etats).
Mademoiselle Fauve (Lily)
Fanny, c’est encore plus simple que ça et pas idiot du tout : quelle valeur peuvent bien avoir les données que vous offrez à FaceBook à travers vos activités sur la plateforme, si ces données et le profil associés sont faussées dès votre inscription? Au plus les informations collectées sont précises, au plus elles sont précieuses et surtout monétisables.
Oiseau-de-Pluie
On vient de me faire le même coup et je suis très en colère. Je n’ai pas envie de mettre mon vrai nom.
J’ai envoyé une carte d’identité… en espérant pouvoir à nouveau changer mon nom dès que j’aurais récupéré mon compte (si je le récupère).
Pierre-Alexandre
J’apprécie énormément le conte de cette mésaventure parce qu’il se lit comme une histoire et offre des conclusions utiles et sensées.
Ma position vis à vis de FB ne change pas radicalement mais je m’apprête à être d’autant plus prudent.
J’appelle de mes voeux l’arrivée d’un autre réseau plus éthique.
Pourquoi pas projet européen en ce sens ? L’argent public serait-il mal employé s’il s’agissait de permettre une mise en lien respectueuse et protectrice des libertés ?
barbarossa
bravo