Retour sur ma 1ère expo photos

Il y a un temps pour tout et il semble que, de mon côté, le temps présent soit celui de la photographie – à défaut d’être celui des folles tournées, des trains pris à travers champs chargée de lourds bagages, des cabarets qui s’enchaînent jusqu’à me jetlaguer, et des soirées en général. Les 28 et 29 septembre j’ai exposé pour la première fois des tirages argentiques des photos que je prends depuis 5 ans dans les loges des cabarets burlesques.

En piste au salon de la photographie contemporaine de Saint Sulpice

Le temps de la photographie

Pendant le confinement déjà, me vint l’envie de créer un site internet dédié à mes photographies argentiques. Je leur avais déjà offert quelques articles ici, mais, poussée par mon ami photographe, galeriste et muse Hannibal Volkoff, je me sentais le devoir d’en faire un peu plus. Je leur avais alors aussi offert un compte instagram… Mais, dixit Hannibal, ce n’était pas suffisant, je ne faisais que gagner (ou perdre !) du temps avant de passer aux choses vraiment sérieuses. Donc, après un mois de mars léthargique, sans passion et sans rêve, à baigner dans l’instant présent du confinement, je me suis reconnectée à mon compte Ovh, j’ai fouillé parmi les thèmes WordPress, j’ai geeké, j’ai sélectionné mes clichés préférés, pondu des textes et mis debout un site dédié à mes photos argentiques et aux fantasmes qui les accompagnent : marineorlova.com. Je l’ai fait en me disant que le jour où j’aurais le temps/l’envie/le courage de montrer mon travail à un galeriste, j’aurai quelque chose d’un peu chic à présenter. Je vous laisse y faire un tour si vous ne l’avez pas encore vu.

Et puis, en juillet, j’ai été invitée à jouer mon récital polisson de luth renaissance par le libraire de livres anciens Sylvain Goudemare, pour fêter le double anniversaire de sa personne et de sa librairie. C’est à cette occasion, certains auront peut-être vu passer le scoop, que l’un des hommes de l’assistance s’est évanoui. La faute, sûrement, à la lecture de Pierre Louÿs, à ma combinaison noire en résille, aux harmonies bouleversantes du luth, et à l’infernale température de ce jour là (rayez les mentions inutiles). Ce même libraire avait aussi visité mon site de photos et m’avait fortement encouragée à trouver un lieu où les montrer. Mais, lui avais-je répondu, c’est compliqué.

Qu’à cela ne tienne, un mois plus tard il me rappelait, me parlant du salon de la photo de Saint Sulpice : « Appelle l’organisatrice, je la connais, tu dois y aller, c’est l’occasion d’exposer tes photos ». Quelques jours plus tard, j’avais la très charmante Marie Utreh au bout du fil et mon stand était réservé. J’avais moins d’un mois pour tout mettre en place…

L’heure des choix

Comme le temps m’était compté, j’ai du faire des choix assez rapidement. J’ai décidé de montrer mes photos de loge plutôt que celles des garçons nus (me disant, à juste titre, que le public du 6ème arrondissement y serait plus sensible). Je suis partie sur les photos en noir et blanc et je suis allée chez Fred Goyeau pour qu’il prenne en main leur tirage.

Observer ses tirages de lecture et choisir…

Au départ, j’avais envie de tirer moi-même mes photos, me disant que c’était intéressant de maîtriser le processus argentique du début à la fin, comme le fait par exemple Eric Keller dont j’aime tant les photographies et le travail de tirage. J’avais fait un stage de tirage avec Stéphane Casali (de L’atelier d’en face), et j’étais allée quelques fois dans un squat qui disposait d’un labo photo pour m’entrainer. J’avais alors constaté que tirer soi-même ses photos est certes passionnant, mais aussi difficile, très long et plutôt onéreux (labo, produits, papiers, etc). J’y passais de très bons moments mais je sortais du labo complétement shootée par les vapeurs des produits, épuisée et pas complétement ravie du résultat. Comprenant que je n’arriverais jamais à sortir moi-même tous les tirages de l’expo dans les temps et surtout de façon satisfaisante, j’ai préféré confier ça à un professionnel.

J’ai passé une matinée avec Fred dans son laboratoire pour que l’on fasse l’étalonnage ensemble et que l’on se mette d’accord sur le style de tirage que l’on souhaitait obtenir, sur la densité des noir, les détails à mettre en avant et ceux à mettre au second plan, le type de papier… J’ai vite compris que ses 25 ans d’expérience faisaient toute la différence. En récupérant les tirages quelques jours plus tard, j’étais ravie et n’ai vraiment pas regretté mon choix. J’ai même redécouvert certaines photos !

C’est le tireur Diamantino qui m’a donné l’idée d’exposer aussi quelques photos en couleur pour les mélanger et faire vibrer les noir et blanc. Je lui ai alors montré une sélection de clichés, parmi lesquels le triptyque d’Arnaud/Lolla Wesh tout nu dans la salle de bain d’Avignon – certes plus moderne, mais appartenant tout de même à l’univers des loges. Pour bien le faire ressortir et le distinguer des autres tirages, j’ai choisi de le faire tirer sur un papier ultra glossy, si brillant que l’on dirait qu’il est recouvert d’un verre. J’ai trouvé ça intéressant de montrer une autre facette du cabaret et aussi, avouons-le, de bousculer un peu le public du 6ème. Ça n’a pas raté : bon nombre de visiteurs ont reculé d’un pas devant ces photos. Mais chose amusante, alors que le sens de circulation du salon invitait à commencer par les petits tirages noir et blanc, la plupart des gens étaient aimantés par le mur du triptyque…

Le fameux triptyque

L’accrochage

Parmi toutes les questions qui se sont bousculées ces dernières semaines, il y eut aussi celle, plutôt angoissante, du comment-vais-je-transporter-et-accrocher-toutes-ces-photos. Pour le transport, j’ai écouté le conseil de Diamantino et j’ai choisi d’exposer les tirages dans des cadres sans verre : pas de reflet, plus de contact avec la photo et aussi beaucoup moins de poids à porter. Et pour l’accrochage, je ne remercierai jamais assez mes amis Massimiliano, Sorrel et Johanna qui sont venus à ma rescousse. Pour la petite histoire, ils m’avaient demandé peu de temps avant de faire un effeuillage pour l’enterrement de vie de jeune fille de l’une de nos amies sur le titre Que je t’aime de Johnny. J’ai dealé cette performance improbable contre l’accrochage, ça valait le coup !

La rencontre avec le public

J’ai été présente sur le stand sans interruption pendant les deux jours de l’exposition. Je suis ravie d’avoir eu autant de retours très positifs. Et quelle joie de voir mes ami.e.s, muses et modèles venir me rendre visite ! Quel ravissement aussi de voir certaines silhouettes typiques du 6ème arrondissement traverser le stand dans leurs tailleurs de tweed vert ou de flanelle lavande, le cheveux argenté, l’œil vif, cerné parfois de crayon indigo (so Yves Saint Laurent Rive-Gauche) et le brushing bien mis.

Les muses et la jolie nappe art déco prêtée par Sorrel
Lolita Laze, Eden Weiss, Jan/Ella Styx, le Vicomte Harbourg

J’avais aussi pris le temps d’imprimer certain de mes textes pour les faire figurer à côté des photos. C’était très amusant d’observer en direct les gens les lire ; ça n’arrive pas tous les jours ce contact direct avec le public. Enfin si, vous me direz, le spectacle vivant n’est fait que de ça. Mais en ce qui concerne les autres productions artistiques, c’est quand même différent. Je me disais, tiens, ce titre que tu as donné à cette photo, hier soir, juste avant de l’amener chez l’imprimeur, il était si aléatoire sur le coup, et pourtant il est là maintenant, légitimé par le regard du public. Et j’ai un peu le même sentiment avec mon expérience du spectacle vivant, le sentiment qu’il n’existe que quand et parce qu’il est vue. C’est si difficile de se dire et de se sentir artiste de cabaret quand la scène n’est plus sous nos pieds.

La voie des masques

Chacun a fini de peindre son masque. Il aura fallu recouvrir son visage de poudre, effacer son relief, ses ombres, son identité, avant d’en dessiner un autre ; cet autre que l’on connait si bien, que l’on se plait à retrouver les soirs de spectacle. Il aura fallu lui dessiner des angles, lui apporter de la lumière, lui ajouter un grain de beauté ou des tâches de rousseur ; il aura fallu tracer deux sourcils chimériques pour encadrer cet autre regard. Et puis il aura fallu peindre de nouvelles lèvres pour pouvoir parler la langue de la scène.

On se reconnaît enfin, après ces longues préparations, dans cet autre visage. On retrouve le port de tête qui lui correspond, et par là même, toute la démarche qui le soutient. C’est qu’il faut pouvoir le porter ce masque ; et certains soirs il semble que son argile soit trop sèche et qu’il se décolle malgré nous, alors « on est pas dedans ».

À la fin de l’office, il sera déposé, tout entier, sur une lingette qui lui tiendra lieu de suaire. Il parait que certains les achètent.

Épilogue

À l’issu de ce salon, je peux dire que je suis ravie de cette expérience. J’ai eu plein de bons retours, des échanges très intéressants et j’avais un peu l’impression de fêter mon anniversaire pendant 48h en voyant tous mes amis passer. J’ai même eu la joie de vendre des tirages.

J’espère pouvoir à nouveau exposer mes photos bientôt, avis aux espaces d’exposition, galeristes et autres restaurants, hôtels…

Sur ce, je vous laisse, je retourne à bord de La Nouvelle Seine ce soir, tant qu’on le peut encore, munie de mon Leica R3 pour continuer cette aventure photographique dans les loges… Pour me rejoindre, vous pouvez réserver ici !

Le cliché d’Arnaud à trouvé sa place chez sa nouvelle propriétaire, tout près d’un beau dessin de Fred Le Chevalier

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