Je vous présente Bernard

Aujourd’hui je vous présente Bernard, j’ai fait sa connaissance il y a peu, ou plutôt, j’ai récemment mis un prénom sur son existence.

Une oeuvre inspirante de l’artiste Britchida

Youtube mon sauveur

Je ne sais pas vous, mais c’est souvent avant de m’endormir, entre minuit et une heure, voire plus tard, que je lutte avec les dernières questions de la journée, du moment, ou de l’existence, avec les angoisses, etc. Et parfois, quand trop c’est trop, je vais sur Youtube et je tape dans la barre de recherche « comment en finir avec… », « Que penser de… », « Faut-il… »

Ce soir là, j’ai tapé quelque chose comme « perfectionnisme et insatisfaction que faire? ». Bon, mettons les choses au clair, je ne pense pas être quelqu’un de perfectionniste, j’aime faire les choses bien, mais je tolère tout à fait l’à peu près quand il s’agit d’aller plus vite, de faire avec moins de moyen, de répondre à une attente particulière. Le soucis de la perfection ne m’a jamais freinée. Ça se saurait. Ah, voilà Bernard qui vient de parler.

Par contre, cette petite voix qui me vanne, qui pointe toujours ce qui pourrait être mieux, qui nuance chaque progrès et relativise tout succès, elle m’habite bien, à certains moments plus qu’à d’autres. Évidemment, en cette rentrée où j’ai crée mon seul en scène au luth (Sucre d'Orge vous montre son luth), vous imaginez bien qu’elle a pas mal pris d’espace, en alternance, heureusement, avec une autre voix, sûrement celle de l’instinct de survie, qui se réjouit des réalisations et préfère voir le verre à moitié plein.

Enfin, ce soir là, j’ai du réaliser qu’à chaque fois que je pensais à quelque chose de positif sur mes avancées, il y avait instantanément une réponse démoralisante. C’est banal, j’imagine, et c’est bien pourquoi je suis allée sur Youtube voir si la solution s’y trouvait.

Accepter ses émotions, blablabla

Je suis tombée sur cette vidéo:

J’étais particulièrement bien disposée à recevoir son message, tendant les bras à toute bouée qui aurait pu m’aider à flotter.

Le début ne m’a pas semblé révolutionnaire: une émotion ne se supprime pas, c’est un message, il faut l’écouter, l’accepter, « l’accueillir », « la reconnaître », sans jugement, etc. Ok, j’avais déjà entendu ça mille fois, plus facile à dire qu’à faire… Mais à 5 minutes dans la vidéo, Mylène Muller dit « le mieux c’est de lui donner un nom »

Révélation

Je ne sais pas pourquoi, mais le prénom de Bernard s’est immédiatement imposé. Et avec le prénom, un physique, une attitude, une corporalité. Dans mon imaginaire il a quelque chose de bourru et ressemble un peu à José Bové (qui pourtant semble bien sympathique et est bien plus souriant que Bernard), il est placardisé dans une entreprise sinistre -son bureau ressemble littéralement à un placard- et il râle tout le temps.

Enfin, si, je sais pourquoi j’ai pensé au prénom Bernard, mais c’est une autre histoire. C’est le prénom que l’on avait donné à un personnage dans un cas d’entreprise fictif avec Yann Kerninon (une performance universitaire étrange et punk sur Georges Bataille) et ce Bernard disait en réunion « vous me faites tous chier ». Bref.

Bernard, un râleur qui me veut du bien?

Déjà, mettre un prénom et associer un personnage à une émotion m’a immédiatement donné du baume au coeur. Je me suis endormie. Et le lendemain, instinctivement, quand la petite voix est revenue, je me suis tout de suite dit « Ah sacré Bernard ». Ce qui m’a amusée, c’est déjà ça.

Mais surtout, j’ai vite réalisé que Bernard est presque tout le temps avec moi, je vis avec lui en quelque sorte, beaucoup plus que ce que je croyais. La vertu de l’identification, c’est que justement, comme l’émotion est Bernard, elle n’est plus moi, je ne suis plus collée à la dépréciation, je ne suis plus en train de me dévaloriser, c’est une partie de moi seulement qui s’en charge, ce n’est pas moi, la relation d’identité est dissoute.

Et cette mise à distance a pour effet d’affaiblir considérablement la portée de la voix. Je l’entends, mais je la considère comme celle de quelqu’un dont le point de vue est biaisé et à circonstancier. Au fil des jours, j’ai aussi remarqué que la voix était moins présente. Peut-être justement parce que j’avais fini par l’entendre véritablement.

Mylène Muller ajoute aussi que l’insatisfaction nous veut aussi du bien, que grâce à elle on s’améliore et que c’est grâce à elle qu’on avance. Je me dis que Bernard a sûrement parfois raison et qu’il faut l’écouter, mais qu’il n’est pas le seul à parler et à avoir raison et surtout qu’il n’a pas toujours le tact et le sens de l’à propos pour faire passer ses messages. C’est Bernard, il est comme ça.

Que répondre à Bernard?

Au début, je me suis dit « Bernard c’est un gros con qui fait chier ». Mais en disant ça, j’ai eu de la peine pour lui. Je me suis dit que tout seul dans son bureau il devait s’ennuyer, qu’il n’était pas très heureux, et qu’il avait sûrement des raisons de râler sans arrêt. Donc quand il surgissait, plutôt que de lui dire « ferme la », je le regardais en souriant gentiment, en me moquant un peu c’est vrai et je lui disais « Oui Bernard, oui… » Et hop, il retournait dans son placard en bougonnant. En terme psy: « je le reconnais et l’accueille ».

Bernard n’est pas seul…

Un autre phénomène n’a pas tardé à se produire, j’ai identifié d’autres voix, « négatives », qui n’étaient pas celle de Bernard. Celle du découragement par exemple.

Cas pratique: On me propose un contrat qui semble très intéressant, bien payé etc. dans lequel je serai aussi un peu à la limite de ma zone de confort artistique, ma partie mégalo dit « trop bien, je vais y arriver, let’s do it », immédiatement Bernard dit « oui enfin bon, il faudrait encore être sûre de savoir faire ça, ça et ça parfaitement et on est loin du compte, tu ferais mieux de pas te lancer là dedans » et une autre voix, plus faible, au phrasé descendant dit en soupirant « …Non mais de toute façon ça marchera pas…le plan ne se fera sûrement pas…C’est pas la peine d’y penser… ».

Du coup, je me suis dit que j’allais aussi nommer cette voix, mais je n’ai pas encore vraiment su lui associer un personnage convaincant. Et depuis, j’ai mis la main sur encore d’autres émotions/voix. Bref, nommer et personnifier ces voix me semble une excellente façon de démêler toutes les pensées inhibantes et de s’en débarrasser de mieux vivre avec. Je dirais même plus, qu’elles se dissolvent une fois reconnues. Mais ça, au fond, c’est ce par quoi commence toute théorie de développement personnel, sauf que pour la première fois, ça me parle vraiment car c’est incarné.

Une autre chose que Mylène Muller dit, c’est de noter les sensations physiques qui accompagnent le sentiment, parfois, avant même d’avoir identifié intellectuellement la source du malaise, la localiser dans le corps la révèle illico: dans le ventre c’est ça …, dans le sternum c’est plutôt…, les bras lourds c’est ça…, les soupirs c’est ça… etc.

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui, vous n’avez peut-être rien appris de neuf, si ce n’est qu’on est plusieurs dans ma tête (« Oui oui Bernard… »), mais peut-être que ça pourra vous inspirer et vous aider ?


Fun fact, j'ai entendu il y a deux jours à la météo que la France était traversée par une dépression passagère répondant au doux nom de Bernard. 

Je vous laisse avec quelques dessins forts apaisants de Britchida, une artiste que Clara Brajtman (qui m’épaule et ma-muse pour mon récital polisson de luth) m’a fait découvrir il y a peu, vous pouvez la suivre ici sur instagram, et là sur son site.

5 commentaires

  1. Oh ouii !! On nouveau billet de blog <3 !!!
    Je n'avais jamais pensé de donner des prénoms aux voix dans ma tête… je commencerai par celle qui se moque gentiment de moi quand je fais des "trucs de babos", comme du yoga ou de la méditation.

    1. The blog is back bitches! Ahah
      Merci pour ta présence fidèle <3

      Intéressante cette voix, n'hésite pas à me donner son nom quand tu le trouveras. Pour le coup j'assume mon auto dérision sur ces sujets donc je crois juste que je ne m'en dissocierais pas. À tort peut-être !

  2. Ce Bernard bougon et renfermé dans son bureau est hilarant et véritable. On a tous des Bernard qui passent la tête de temps en temps, accompagnés une kyrielle d’autre personnages tout aussi improbables, dans nos journées. Donner corps et esprit à ces voix c’est la folie de la raison ou une raisonnable folie, de ne plus être seul avec soi-même mais accompagnés dans nos multiples vies.
    Merci pour ce billet de blog. ❤️
    – Thomas

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