Ce titre est celui d’un roman du Nobel de littérature chinois Mo Yan que j’ai lu il y a longtemps et qui ne parle malheureusement pas du tout de seins ni de fesses. En revanche, cher lecteur, sois sûr que cet article leur est entièrement dédié.
Lis le comme une digression très personnelle qui ne prétend à aucune forme de généralisation. De l’enfance à la crise de la trentaine, en passant par l’adolescence, voici une pensée réflexive sur mon rapport au corps. Narcissique ce texte ? Peut-être. Il est en tout les cas sincère et, je l’espère, amusant.
(Photo de couverture : Nadia Lee Cohen)
Les filles du crazy
Quand j’étais petite, j’étais une fidèle téléspectatrice de la revue du Crazy horse diffusée le soir du 31 décembre. Je passais souvent le réveillon chez mes grands-parents et ma mamy me bordait en laissant, ô joie, la télévision allumée, devant ces divines créatures aux noms savoureux et aux croupes chevalines.
En les regardant, je me demandais si j’aurais le même corps qu’elles plus tard. Si je remontais le long de mes racines familiales, je ne trouvais pas beaucoup d’indices préfigurant de mon avenir : ma mère était mince, mais ma tante et ma grand-mère étaient plutôt très plantureuses. Quand à mon père, je ne savais pas trop quoi en penser et j’avais du mal à me projeter à partir de ce corps masculin. Tout était donc possible à la sortie de l’enfance.
Plusieurs choses me fascinaient chez les filles du Crazy : leur beauté, leur érotisme, leur souplesse, leur danse… Mais ce qui me faisait le plus rêver, c’était que leur corps était leur outil de travail. Entre deux numéros on pénétrait les coulisses pour les voir répéter et se maquiller : cette professionnalisation de gestes habituellement assimilés à la futilité me plaisait. Elles faisaient des exercices, oui, mais ce n’était pas pour rentrer dans une nouvelle robe, c’était leur boulot. Elles mettaient du rouge à lèvre et passaient des heures à se maquiller, mais c’était leur boulot. Elles se regardaient, se mesuraient, mais ce n’était pas par narcissisme, c’était leur boulot.
Je me disais que moi aussi, j’aimerais qu’être « hyper femme » soit mon boulot et avoir cette bonne excuse pour m’adonner au culte du corps, avec ce qu’il compte d’adoration, de rituels et de sacrifices. Sinon, comment justifier cette obsession ? C’est que le corps, sans faire de sociologie de comptoir, est à la fois surexposé et mésestimé. Il doit être conforme aux normes et attractif, mais paradoxalement, il est mal vu de lui consacrer trop de temps. Au delà d’une certaine limite, son entretien, jugé extrême, est moqué et dévalorisé. Sauf si… c’est pour le boulot. CQFD.
Extension du domaine de la lutte
Un jour, j’ai surpris une conversation entre ma mère et une de ses amies. Elle disait de moi, d’un air inquiet et coupable, quelque chose comme : « Tu comprends, le culte du corps elle l’a». Je ne me souviens plus vraiment du contexte, mais je crois que c’était suite à une opération bénigne du genou qui m’avait immobilisée et déprimée quelque temps.
C’était ma première rencontre avec la cellulite. J’étais en 3ème, je dansais de façon très amateur depuis 10 ans et j’avais une attelle depuis 15 jours. Quand je l’ai enlevée, j’ai touché ma cuisse et elle s’était un peu ramollie. J’ai pincé sa face externe et j’ai gardé entre mes doigts de la chair un peu bizarre, du gras quoi. Je me suis écriée : « Maman ! Regarde ! » Et elle de dire « Ah oui… » avec ce ton des grands jours, celui avec lequel on explique de façon solennelle la venue des premières règles et le début de l’Alzheimer de papy.
A ce moment là, j’ai réalisé que le corps n’était pas un cornet surprise que l’on ouvrait à 16 ans et qui était défini et acquis une fois pour toute. J’ai senti que la lutte pour sa conservation et son amélioration n’était pas qu’un sujet de conversation pour dames ménopausées. Non, le travail commençait tout de suite, avec la révision du brevet des collèges. Alors oui, vraisemblablement, le « culte du corps » je l’avais bien intégré, à coup de cours de danse, de maman « qui fait attention » et des rediffusions du Crazy Horse.
Noblesse des seins, bourgeoisie des fesses
Vient le moment de vous exposer l’une des théories les plus fumeuses de ma vingtaine. A l’âge où je lisais beaucoup et où, tentant de mémoriser un maximum de choses, je les mélangeais toute, j’ai eu une révélation. Dans mon esprit en surchauffe, Epictète, la Révolution Française et mon image dans le miroir se sont entrechoqués. C’était une évidence : on a les seins qu’on a, mais on a le cul qu’on mérite.
- Noblesse des seins
Soyons honnête, je n’aimais pas particulièrement mes seins. Pas assez gros, pas assez ronds, pas assez symétriques. Ils me décevaient et je savais que je n’y pouvais rien. Ils étaient tout à fait à l’image d’un Kinder Surprise foireux. Certaines naissaient avec les seins de leurs rêves et n’avaient rien fait pour, et d’autres étaient moins bien loties. Aucune justice, aucun mérite dans cette affaire, juste un état de fait.Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus…
Comme un titre de noblesse, avoir de « beaux seins » était une histoire de naissance ou…d’argent. Car les seins, comme les titres, peuvent s’acheter.
- Bourgeoisie des fesses
En revanche, j’aimais bien mes fesses et depuis ma première rencontre avec la cellulite, je me donnais du mal pour façonner mon fessier. Trop souvent assis, je le faisais nager et courir dès que possible et je le surveillais de près. J’avais entendu que les fesses étaient, avec le pouce préhenseur, le propre de l’homme et que le postérieur était la seule partie du corps intégralement constituée de muscles. C’était donc une zone sous contrôle et modelable à loisir : l’égalité des chances faite chair. Nb : j’avais bizarrement écarté le fait que c’est aussi un lieu de stockage et de rétention infernal.
C’est avec une rigueur toute protestante, que je m’efforçais de travailler et de renforcer ce capital, laissant de côté, comme Epictète et les stoïciens, les choses qui ne dépendaient pas de moi (j’ai nommé ma poitrine) et prenant à bras le corps celle qui dépendait de moi (le galbe de mes fesses).
Supprime donc en toi toute aversion pour ce qui ne dépend pas de nous et, cette aversion, reporte-la sur ce qui dépend de nous et n’est pas en accord avec la nature.
Burlesque et complexes
Puis je me suis retrouvée sur scène à m’effeuiller. Mon corps devenait enfin mon outil de travail. J’allais aux cours de danse par plaisir, mais aussi pour le « boulot », les échéances de plus en plus rapprochées entre les spectacles m’obligeant à faire toujours un peu attention.
Quand les reportages sur le burlesque mettaient en avant son rôle thérapeutique, j’étais, comme beaucoup, agacée. D’une part, jamais la recherche artistique n’y était évoquée et d’autre part je ne me reconnaissais pas vraiment dans cette acceptation inconditionnelle de son propre corps. C’est tout à fait personnel bien sûr, mais je pencherais plutôt pour dire que le burlesque ne m’a pas toujours aidée à aimer mon corps.
Au début, me voir en photos et en vidéos m’a sûrement permis de poser un autre regard sur moi. Et puis l’accueil du public et son approbation ont du aussi me rassurer. Mais si la scène m’a aidée à mieux me connaître et à dépasser les bornes de la pudeur avec facilité, elle n’a jamais diminué l’exigence de mon propre jugement, au contraire. Au bout de cinq ans, avec la quantité d’archives accumulées, j’ai tout le loisir de me comparer à moi plus jeune, dans les moindres détails. Loin de me conduire à l’acceptation, ces images me plongent dans des considérations de type « c’était mieux avant ».
Bonjour trentaine
J’emprunte ce beau titre à mon amie Stella Polaris.
30 ans, l’âge ou ma belle théorie de la bourgeoisie des fesses commence à s’effriter. Avec le temps, je me rends compte que les sacrifices à faire sur l’autel du galbe sont de plus en plus grands pour des résultats de plus en plus timides.
Mon professeur de danse a lancé dernièrement, pendant que l’on souffrait en grandissime seconde : « Allez-y, tenez bon, en vieillissant vous aurez peut-être la peau fripée mais vous serez musclées ! » Tout est dit. S’il y a bien quelque chose que l’on ne peut vraiment pas maîtriser, c’est sa peau. Alors que faire ? Se lancer sérieusement sur le chemin de l’acceptation ? Se résigner ? Faire un stock de résille chair ? S’acharner ?
Pour ma part, j’essaye de tracer une ligne de conduite faite de tendres efforts, d’indulgence mesurée et de nouvelles sources d’inspiration. Fini les filles du Crazy, bonjour Catherine D’Lish. De même que je me demandais enfant à quoi je ressemblerai adulte, je me demande aujourd’hui quelle femme mûre je serai et c’est tout aussi excitant !
Quelques uns de mes nouveaux modèles :
- Audrey Hepburn
- Catherine D’Lish
- Kitten Natividad
- Carmen Dell’Orefice
Je remercie particulièrement Lada Redstar de m’avoir fait découvrir ces deux dernières créatures (ainsi que pour sa plastique incroyable, source permanente d’inspiration et de frustration).
Cliquez sur les images pour les agrandir.
Mes résolutions
Comme j’ai décidé de ne pas me laisser abattre, j’ai pris quelques bonnes résolutions en septembre dernier. Il m’est difficile de mesurer précisément leurs effets, mais je sais que ces nouveaux rituels me font du bien !
- La douche froide
C’est le grand classique dont tout le monde parle, mais je ne l’avais encore jamais pratiqué. Mon avis : ce n’est pas si pénible (en hiver, finir sa toilette par un jet d’eau froide fait immédiatement relativiser la fraîcheur extérieure) et c’est très efficace pour raffermir les tissus. L’eau froide n’est donc pas vantée pour rien depuis la nuit des temps.
- Le vélo
Depuis un an, je ne me déplace plus qu’à vélo. Fini le passe Navigo et les tarifs prohibitifs de la RATP, à moi l’endurance et les quadriceps. Ajouter 30 minutes d’exercice par jour à son quotidien marque une différence certaine. Je me sens moins stressée, je prends davantage l’air et je fais des efforts physiques sans m’en rendre compte. Le seul bémol : mes cuisses qui ont tendance à gonfler. Mon conseil : bien régler son vélo pour tendre les jambes en pédalant et s’étirer après chaque trajet.
- Le Miam-Ô-Fuits
Il s’agit d’une recette de petit-déjeuner à base de fruits et de graines qui permet d’apporter tout ce dont le corps à besoin le matin tout en lui évitant Miel Pops, tartines beurrées et autre bombes caloriques. Non seulement le Miam-Ô-Fruits est délicieux et sain, mais en plus il permet de tenir jusqu’au déjeuner sans faiblir. Voici sa recette, je vous la recommande vivement : le Miam-ô-Fruits.
Je vous laisse avec Tits and Ass, hymne mythique aux beaux seins et aux belles fesses, tout droit sorti de ma comédie musicale préférée : A Chorus Line.
https://www.youtube.com/watch?v=hlyK-4gUeYs
superbe !
et j’adore les images
très bien écrit
merci
Merci Albi,
Au plaisir de vous lire à nouveau ici !
Je te lis avec délectation.
Tes propos initient chez moi le même questionnement , sur un mode méditatif.
Et cerise, j’ai pu retrouver la recette du miam-ô-fruits.
Merci !
Merci Pierre-Alexandre !
« sur un mode méditatif »… Qu’est-ce à dire ? Voila qui m’intrigue !
Sinon on parle miam-ô-fruits quand tu veux, je suis toujours à fond sur cette recette…
Chère ma ma dame demoiselle
Votre écriture me semble volante, levitationnelle. D’un ange .
Classe!!!!!!
Je vous en plaît !
La photo du tennis est un bijou
Merci cher Monsieur pour ces compliments ! Je suis fort aise que ma plume vous chatouille si bien.